La dernière fois que Michael Monroe était venu en Suisse, c’était en 2005 avec Hanoi Rocks. C’est donc une longue attente qui trouvé son épilogue en ce 13 mai 2014, avec un concert absolument fabuleux au Salzhaus de Winterthur. Quelques heures avant cet ouragan scénique, Daily Rock a eu le plaisir de passer un long moment en tête-à-tête avec le Finlandais. Mais au-delà du plaisir, c’était également un honneur que de pouvoir s’entretenir avec l’homme qui a non seulement exercé une influence absolument déterminante sur la scène musicale des années quatre-vingt, mais qui a également, trente ans plus tard, remporté le Classic Rock Award du meilleur album de l’année en 2011 (récompense prestigieuse s’il en est). Rencontre avec un grand artiste donc, mais, surtout, rencontre avec un homme qui place l’intégrité avant tout. Impressionnant. Et rassurant pour l’avenir du rock ‘n’ roll.
Michael, tu te rends compte que ça fait vraiment longtemps qu’on t’attend en Suisse ? A tel point que certains fans impatients – enfin, en tout cas moi – ont même fait le
déplacement à Helsinki pour te voir…
Michael Monroe : Ah oui ? Avec ce groupe-ci ?
Non, avec Hanoi Rocks, notamment pour les derniers concerts du groupe en 2009…
Wow, j’apprécie que tu aies fait ce long déplacement. Oui, nous avons terminé l’aventure Hanoi Rocks avec huit concerts en 6 jours, chaque concert faisant plus de deux heures. C’était un peu
une fin douce-amère, mais je suis content que nous ayons pu mettre Hanoi Rocks au repos de façon honorable, en préservant notre intégrité et sans aucune animosité entre nous ni épanchement
dans la presse.
Et depuis ce moment-là, ta carrière solo est tout simplement fantastique, mais pour en revenir à ma première question : pourquoi t’a-t-il fallu neuf ans pour revenir en Suisse
?
Déjà neuf ans ?…
Oui, oui…
Eh bien, ça ne dépend pas de moi, il faut en parler à mon agent ! (rires)
Mais pendant ce temps-là, tu as pourtant souvent tourné en Grande-Bretagne…
Je pense que c’est là qu’il y a le plus de demande. Comme je l’ai dit, les agents essaient de faire de leur mieux… Mais si ça ne tenait qu’à moi, je jouerais dans chaque pays du monde !
Après, il faut quand même s’assurer que les dépenses soient couvertes, tu vois. Parce je ne suis pas un si grand nom que ça… Je bénéficie tout au plus d’une sorte de statut ‘culte’,
j’imagine. Bien sûr, si on avait pu aller plus loin avec Hanoi Rocks dans un premier temps, ou si ma carrière solo ensuite avait eu plus de succès, les choses seraient peut-être différentes
aujourd’hui…
Est-ce que tu penses que le fait d’avoir concentré ces efforts sur la Grande-Bretagne t’a aidé à remporter le trophée du meilleur album de l’année aux très prestigieux ‘Classic
Rock Awards’ ?
Tu ne peux pas planifier de gagner une telle récompenses ! (rires) Ca a été une surprise totale. C’était un sentiment extraordinaire. Et ça a confirmé que ce n’était pas une mauvaise chose
d’être reparti dans une carrière solo. Enfin, quand je dis solo, je veux dire une carrière sous le nom ‘Michael Monroe’. Parce que les mecs avec qui je joue actuellement représentent un
groupe plus soudé que ne l’était le ‘nouveau’ Hanoi Rocks (à savoir le Hanoi Rocks des années 2000, relancé après une pause d’une quinzaine d’années avec des nouveaux membres, à l’exception
de Michael Monroe et Andy McCoy, NDR). C’est un petit peu ironique, puisque Hanoi Rocks avait un nom de groupe et qu’actuellement nous avons uniquement mon nom, mais nous avons vraiment une
super alchimie tous ensemble. Et tant mieux, parce qu’au fond de moi je suis un gars qui aime être dans un groupe.
C’est donc ça la principale différence entre Hanoi Rocks et ta carrière solo, l’alchimie ?
Oui. Avec le Hanoi Rocks des années 2000, c’était essentiellement Andy McCoy et moi-même, entourés d’autres musiciens. A l’exception du dernier line up, avec Conny Bloom et A.C. Christell
(tous deux membres par ailleurs des Electric Boys, NDR), qui était le meilleur. Mais ça restait quand même principalement Andy et moi. Au contraire du groupe actuel, dans lequel j’essaie de
donner autant de place que possible à chacun, en encourageant tout le monde à écrire et à se sentir comme faisant partie intégrante de l’ensemble. Je pense que c’est comme ça que se crée la
bonne alchimie et que chacun est motivé pour les bonnes raisons et pas uniquement pour être payé, par exemple. Les membres du groupe actuel sont tous inspirés et créatifs.
Un mot à propos d’un membre en particulier, à savoir Sami Yaffa, qui était à tes côtés dès tes débuts avec Hanoi Rocks, puis qui est régulièrement revenu vers toi par la suite, que
ce soit sur ton premier album solo, sur l’album de Demolition 23, ou désormais dans ta ‘deuxième’ carrière solo : que représente-t-il pour toi ?
C’est mon frère de sang. Oui, c’est vraiment comme mon frère. Tout ce qu’on a fait ensemble était fantastique. A l’exception du projet avec… je ne veux même pas mentionner son nom… mais il
s’agit de cet album de Jerusalem Slim, qui a débouché sur de la merde.
Oui, hum (un peu honteux…), je sais que tu détestes cet album, mais moi je l’aime bien…
Tu l’aimes ? Oui, il y a quelques personnes qui l’aiment. C’était une bonne idée qui au final a tourné de façon plutôt merdique. (rires) Ce n’est juste pas le genre d’albums que je ferais
moi-même. C’est le producteur et le guitariste dont je ne tiens pas à parler qui s’en sont emparés (NDR : par respect pour Michael Monroe, nous ne mentionnerons donc pas ces deux – célèbres –
personnes ici). J’ai essayé de tout arrêter, mais la maison de disques n’a pas voulu. Je leur ai dit ‘Ok, vous voulez attendre jusqu’à ce qu’ils aient dépensé encore une fois… (il réfléchit,
NDR) Combien a-t-il coûté, déjà ?… Oui, il a coûté environ sept cent mille dollars au total. Tout ça pour qu’à la fin tout le monde le déteste ! Au moins, moi j’ai essayé de tout arrêter à
environ trois cent mille… (rires) J’ai dit au gars du label : ‘Ecoute, ça craint, je ne signe rien’. Et c’était moi qui étais sous contrat avec Polygram, donc j’ai dû quitter le label. Après
ça, je leur devais quasiment un million de dollars et mon album solo suivant aurait dû vendre des millions de copies pour les rembourser. Donc j’ai dû partir. Merci beaucoup au producteur et
au guitariste-dont-je-ne-tiens-pas-à-parler. Mais bon, si des gens aiment cet album, tant mieux pour eux. C’est juste que ce n’est pas moi. Si quelqu’un comme Little Steven (guitariste du
E-Street Band de Bruce Springsteen et grand ami de Michael Monroe, NDR) l’avait produit, cet album aurait pu être sauvé. D’ailleurs, je voulais que ce soit lui qui le produise, mais le label
a refusé. Ils avaient peur de lui parce qu’il ne se laisse emmerder par personne… Au lieu de ça, le label a voulu prendre le producteur à la mode, cet allemand qui venait de s’occuper de Skid
Row et Ozzy Osbourne. Mais bon, après tout ça, on a fait l’album parfait avec Demolition 23 !
Ah oui, là, c’est clair…
Ça a été un album qui avait tout bon sous toutes les coutures, et qui me correspondait parfaitement. Et c’était à nouveau un groupe qui fonctionnait comme tel. Tout était cool, sauf pour
notre guitariste Jay Hening, qui malheureusement a connu des problèmes, n’a pas pu partir en tournée et a été remplacé par Nasty (Suicide, ex-Hanoi Rocks lui aussi, NDR). Puis Nasty a laissé
tomber la musique et le groupe s’est dissout. Bon, c’est comme ça… Mais au moins l’album était excellent.
Une question qui m’intrigue, c’est de savoir comment il est possible que tu te retrouves régulièrement accompagné de guitaristes qui sont pourtant des leaders dans d’autres
groupes… Je pense à Dregen (guitariste et chanteur occasionnel des Backyard Babies et chanteur/guitariste en solo), Ginger (chanteur/guitariste des Wildhearts) ou encore Conny Bloom
(chanteur/guitariste des Electric Boys), parmi d’autres (dont Adam Bomb ou le fameux guitariste-dont-on-ne-parle-pas) : quel est ton secret pour que des leaders se mettent à ton service
?
Le secret, c’est que ce sont eux qui le veulent ! Par exemple, Ginger voulait vraiment redevenir uniquement guitariste lorsqu’il m’a rejoint. Il était fatigué d’être le frontman de son groupe
et il adorait ne plus avoir à assumer toutes les obligations qui vont avec, comme par exemple donner des interviews. Il était très heureux de cette situation durant un moment. Puis, le temps
passant, ça a commencé à lui plaire moins, et… que pouvais-je faire ? Je lui ai dit : ‘Je comprendrai si tu veux aller de l’avant, tu ne dois pas te sentir obligé de rester. J’étais déjà
surpris que tu acceptes de me rejoindre à l’origine !’ (rires) Mais il a été très sympa et est resté jusqu’à ce que je lui trouve un remplaçant, en la personne de Dregen.
Ce qui était un fantastique choix…
Oui, il est brillant. Et c’est la première personne qui m’est venue à l’esprit. Je l’avais d’ailleurs déjà contacté auparavant, mais il voulait faire son album solo et donc ça n’avait pas
joué. En gros, pour faire la chronologie depuis le début, j’ai commencé ce groupe avec Sami. C’est lui qui a alors proposé les deux premiers guitaristes avec qui nous avons travaillé, à
savoir Richard Fortus de Guns N’ Roses et Todd Youth (Danzig et Chelsea Smiles, entre autres, NDR). A l’époque, Richard n’avait pas de plans définitifs avec Guns N’ Roses, mais il a dû nous
quitter quand leur tournée a été confirmée. Ginger est alors entré dans la partie. Quant à Todd, il a reçu une offre de Ace Frehley et est parti avant notre première tournée, merci beaucoup !
(rires) C’est à ce moment-là que nous avons demandé à Dregen pour la première fois de nous rejoindre et qu’il a refusé parce qu’il avait son album solo à écrire. Et c’est ainsi que Steve
Conte a intégré le groupe. Et une année plus tard, quand Ginger a décidé de nous quitter, j’ai rappelé Dregen, juste au cas où… Et là il m’a dit ‘Oh mec, je suis si content que tu m’appelles.
La dernière fois, je t’avais dit que j’avais mon album solo… Eh bien, la situation est toujours la même, mais cet album n’avance pas, donc autant que je te rejoigne ! Laisse-moi juste une
nuit de réflexion’ Et le lendemain matin, il m’appelait pour me dire ‘Ok, on le fait !’.
N’y a-t-il quand même pas dès le départ un risque accru, quand tu engages des mecs qui sont leaders dans leur propre groupe, qu’ils te quittent plus rapidement que d’autres
?
Oui, c’est le cas. Mais par exemple pour Dregen, il aurait pu mener sa carrière solo tout en étant parallèlement avec moi. Mais j’ai l’impression que nos managements respectifs n’ont pas
réussi à discuter de cette question les yeux dans les yeux et que ça n’a donc pas pu se faire… Mais bon, c’est ainsi. Et d’ailleurs, je crois qu’il veut également refaire quelque chose avec
les Backyard Babies…
Oui, ils ont annoncé leur réunion la semaine passée…
Mais quoi qu’il en soit, tout se passe pour le mieux entre nous. Nous sommes comme une grande famille et c’est bon de pouvoir compter sur ces gars. Dregen va d’ailleurs venir nous donner un
coup de main sur deux dates en Russie prochainement, en remplacement de Steve Conte qui a un empêchement.
Donc Dregen va jouer les parties de Steve Conte pour ces deux shows ?
Non, Dregen va reprendre ses propres parties de guitare et c’est Rich Jones (le successeur de Dregen, NDR) qui jouera celles de Steve.
Justement, à propos de Rich Jones, qu’a-t-il apporté de différent par rapport à Dregen ?
Nous n’avons pas encore commencé d’écrire avec Rich, donc je ne peux pas encore te parler de cet aspect. Mais je dirais qu’en premier lieu il a en quelque sorte une influence ‘calmante’ sur
le groupe, qui est très positive. Et sa connaissance musicale est immense, ce qui est exactement ce dont ce groupe a besoin. Par exemple, Steve Conte ne connaît pas spécialement les Lords of
the New Church de Stiv Bator, alors que Rich y était et connaît toutes ces choses importantes qu’un américain ne peut simplement pas connaître. Il est parfait pour le groupe. Et il écrit
aussi des chansons, même si, comme je l’ai dit, nous n’avons pas encore abordé cette phase avec lui pour l’instant. Mais ce sera intéressant de voir ce que ça donne. C’est excitant.
Tu as écrit une autobiographie il y a quelques années (‘Michael Monroe’, de Ari Väntänen, éditions Like, 2011) mais elle n’a pour l’instant été publiée qu’en finnois. Or on attend
toujours une version en anglais…
Oui, moi aussi ! (rires)
Est-ce que c’est prévu ?
Oui, c’est prévu et il y a eu des tentatives, mais on n’a pas encore de contrat pour l’instant… Je ne veux pas que ça sorte n’importe comment et je tiens à être sûr que tout est bien fait.
Par contre, si mon autobiographie n’a pas encore été traduite, il y a un mec en Finlande qui a traduit en anglais la biographie de Hanoi Rocks (‘All those Wasted Years’, également de Ari
Väntänen, éditions Like, 2009, NDR). Mais cette version-là n’a pas encore été publiée non plus. Donc si tu connais une maison d’édition intéressée, fais passer le mot… Je sais que la maison
d’édition finlandaise est en train de chercher, en tout cas. Donc j’imagine que la biographie de Hanoi Rocks sortira en anglais en premier et que la mienne sortira ensuite. Mon livre, qui
fait plus de cinq cents pages, est par ailleurs plus gros que celui sur Hanoi Rocks. Mais c’est logique, puisque la carrière de Hanoi Rocks a été nettement plus courte que ma carrière solo :
le Hanoi Rocks ‘original’ n’a duré que quatre ou cinq ans (1980-1985, environ, NDR), puis j’ai eu environ seize ans de carrière solo. Il y a ensuite eu le nouveau Hanoi Rocks durant sept ans
(2002-2009 env., NDR), et ma carrière solo a repris depuis ces cinq dernières années.
Est-ce que le fait de rédiger ton autobiographie a eu une influence sur toi, que ce soit dans ta façon d’écrire tes chansons, ou dans ta vision des choses en général
?
Oui, ça m’a permis de mettre les choses en perspective. Tu sais, la biographie de Hanoi Rocks était le premier livre de Ari Väntänen. C’était un ‘travail d’amour’ pour lui. Et c’est lui qui
m’a convaincu de faire ma propre biographie. Je me suis d’abord demandé ce que je pourrais raconter, puis je me suis dit qu’en effet, j’avais quelques histoires intéressantes. Je me suis dit
que si j’arrivais à parler de tout, y compris de la drogue et autres conneries sans les glorifier, l’exercice en vaudrait la peine. Ce serait par exemple amusant de pouvoir raconter comment
je me sentais réellement quand j’ai croisé certaines célébrités, comme quand Sebastian Bach (ex-Skid Row, NDR) s’est pointé avec un sac rempli de coke et que nous sommes allés voir Guns N’
Roses et Metallica au Giants Stadium… J’ai pris de la coke et j’étais misérable, complètement paralysé. Je n’ai même pas réussi à aller pisser de toute la nuit. Ma défunte femme me cherchait
partout, avec l’aide des services de sécurité de Metallica et de Guns N’ Roses… En résumé : ce n’était pas aussi marrant qu’on pourrait l’imaginer de prime abord ! Et si je tiens à ce que ce
message soit clair, c’est parce que je ne veux pas que des jeunes fans fassent quelque chose de stupide juste parce que moi-même je l’ai fait. Je ne veux pas qu’ils se disent ‘c’est cool
parce que Michael Monroe l’a fait’. Je ressens une certaine responsabilité à ce niveau-là. Il n’y a rien de cool à se défoncer. Mais je serais hypocrite si je niais avoir fait ce que j’ai
fait. Comme par exemple le speed : lorsque j’en ai pris, je n’ai quasiment pas dormi pendant un mois ! Je te jure, je n’ai dormi que deux petites fois durant cette période… Mais bon, voilà,
j’ai tiré des enseignements de ces choses-là et j’ai évolué. La seule erreur est de devenir dépendant. Je refuse de devenir un esclave. C’est pour cela qu’il a toujours été hors de question
d’essayer l’héroïne. Tu vois, tu veux être un rebelle face au système, tu prends de la drogue et tu finis comme esclave de cette dernière… Et être esclave de la drogue, ce n’est pas mieux que
d’être esclave du système. Je n’ai jamais rien pris juste dans le but d’être défoncé, et je n’ai pas non plus de plaisir à être bourré : ça me rend stupide et je suis malade, donc je ne bois
pas. Je l’ai d’ailleurs écrit en introduction de mon livre : j’ai fait beaucoup de choses pas très malignes, j’en ai tiré des leçons de façon brutale et je ne recommande à personne de faire
ce que j’ai fait. Il n’y a rien de glorieux à cela et je ne voudrais pas qu’un jeune se fasse du mal à cause de quelque chose que j’ai pu moi-même faire par le passé. Je sais que beaucoup de
livres de rock stars tournent autour de ‘Ouais, je me suis défoncé et je me suis tapé dix gonzesses’, etc. Tout ça c’est des conneries et c’est ridicule. Ça donne une mauvaise réputation aux
rockers : tu n’as pas besoin d’être un abruti pour être un rocker. Des fois, je suis un peu embarrassé quand on me demande ‘Vous êtes chanteur de rock, ou quelque chose comme ça ?’ (rires)
Mais tu vois ce que je veux dire : n’importe qui peut prendre des drogues ou être bourré. Mais pour moi, la priorité a toujours été de faire de la musique, et de chanter sur scène. Je n’ai
jamais eu pour objectif de me retrouver sur scène et d’être incapable de chanter ou de jouer. Je veux être capable de donner un bon show et d’avoir la bonne attitude. L’attitude, c’est ce qui
a toujours compté, dès les débuts d’Hanoi Rocks. Le rock ‘n’ roll est une musique dans laquelle il s’agit d’être soi-même et de tracer sa propre voie. Ça n’a rien à voir avec le fait de
prendre la pose ou de faire la fête. Bien sûr, c’est cool de bien présenter, mais si tu demandes à beaucoup de groupes – et en particulier aux groupes américains – pourquoi ils ont commencé à
faire de la musique, ils te répondront ‘Yeah, pour baiser, mec, pour se taper des gonzesses’. Hum… content de savoir que tu trouves aussi le temps de faire de la musique à côté ! (rires) Tous
ce cliché sexe, drogues, rock ‘n’ roll fait un petit peu partie du passé dorénavant, mais je ne pense pas qu’il constitue une grande contribution à l’humanité… Donc en résumé, mon livre est
très différent des autres biographies de rockers. Disons qu’il offre un point de vue différent sur ce monde. Et j’espère qu’il pourra sortir en anglais dans le reste du monde un jour, parce
qu’il contient des histoires intéressantes, à mon avis.
Si tu pouvais revenir dans le temps, que dirais-tu à ce jeune mec (je lui montre sa photo sur le premier album de Hanoi Rocks, ‘Bangkok Shocks, Saigon Shakes, Hanoi Rocks’, sorti
en 1981) ?
Je lui dirais ‘Ne te lance pas là-dedans, non, non, non !’ (rires) Non, je lui dirais qu’il a une belle carrière qui l’attend. Et je lui dirais aussi que je suis fier de lui parce que, par la
suite, il ne s’est pas laissé faire, il n’a pas fait de compromis et il n’a jamais abandonné son intégrité.
Et si ce jeune homme voyait ce qu’il est devenu aujourd’hui, est-ce qu’il serait fier ?
Oui, Michael est resté Michael. Je suis fier de ce que j’ai fait. Ma carrière est fondée uniquement sur l’intégrité. Pas sur le fait de gagner des millions ou de vendre des millions d’albums.
Bien sûr, c’est très bien si ça arrive. Mais il faut toujours faire les choses à ta façon et sans faire de compromis, c’est ça la clef qui te rend spécial. Tu peux devenir une pute, faire
tout ça pour l’argent et prendre la voie facile, mais ça n’en vaut pas la peine. Vraiment pas. Je n’ai pas peur de travailler dur, même si ça n’a jamais été facile. Peut-être que j’ai parfois
été trop têtu, mais bon…
Justement, si tu pouvais changer une chose dans ta carrière, ce serait quoi ?
Je ne changerais rien ! Parce qu’en sachant ce que je savais à l’époque, j’ai toujours fait au mieux sur le moment. Bien sûr, si j’avais connu le futur, j’aurais fait quelques petites choses
différemment, mais il n’y a rien qui me vient à l’instant. Donc je peux dire que je n’ai pas de regret.
Parmi les grands changements dans ta vie, tu es retourné en Finlande il y a quelques années…
Oui, ça fait même plus que quelques années, puisque c’était en 2000… Non, attends, c’était encore avant. J’ai emménagé à New York en 1985 et j’y suis resté dix ans. Donc c’est en 1995 que je
suis retourné en Finlande. Avant ça, à New York, j’habitais Manhattan sur East 3rd Street, entre la première et la seconde Avenue, juste en face des Hell’s Angels de New York, avec qui
j’étais bon copain. J’ai présenté une fois leur vice-président à Bruce Springsteen, parce qu’il était un grand fan. Tu sais, Little Steven était mon meilleur ami à l’époque et quand il
enregistrait en solo Bruce venait parfois chanter avec lui. Là il était venu pour enregistrer le duo ‘Native American’ (sur l’album ‘Freedom – No Compromise’, de 1987, NDR)…
NDR : Le tour manager arrive pour nous signifier la fin de l’interview, qui avait déjà débordé de huit minutes sur le temps imparti, mais Michael le renvoie gentiment, en lui
disant ‘C’est ok, on est cool. Je sais que le repas est bientôt servi, mais on a tout le temps. Je parle tellement.’ (rires).
Si nous relevons cette anecdote ici, c’est que ce genre d’attitude est rare et constitue une très belle marque de respect à l’égard de l’intervieweur. Alors que cela soit écrit noir sur blanc
au moins une fois pour la postérité : Michael Monroe est un vrai gentleman.
Oui, excuse-moi, où en étions-nous ?
Je te parlais de ton retour en Finlande. Pourquoi as-tu pris la décision de revenir au pays ?
Parce que dans le ‘music business’ aux Etats-Unis, la musique n’avait plus sa place, il n’y en avait plus que pour le business… J’en avais assez de me taper des réunions dans des bureaux avec
des mecs en costume cravate et de ne pas jouer une seule note. Tu sais, avec Jerusalem Slim, on n’a même jamais donné un seul concert. Bon, ça n’était pas vraiment un groupe non plus, ceci
dit… Mais en résumé, je faisais tout sauf jouer de la musique. J’ai bien essayé, pourtant. Avec Little Steven, on avait lancé ces concerts tous les lundis soirs au Grand. On recevait
régulièrement des invités, comme Joey Ramone ou encore Kory Clarke de Warrior Soul – un de mes groupes préférés des années nonante. Mais dans l’ensemble, le rock était en train de laisser la
place au rap et à la country, aux Etats-Unis. Par contre, à chaque fois que je venais en visite en Finlande, je sentais qu’il s’y passait quelque chose musicalement : j’assistais à des bons
concerts, je voyais que des amis faisaient partie de bons groupes qui sortaient des albums cools… En gros, j’avais le sentiment qu’on jouait encore de la musique en Finlande pendant que moi
j’étais en Amérique où j’en avais marre du business. J’étais donc déjà désillusionné et, par là-dessus, il y a encore eu Demolition 23 qui s’est cassé la gueule… Du coup, j’ai eu besoin d’un
nouveau départ. J’ai d’abord pensé à aller en Angleterre, mais j’ai vite réalisé que les choses n’y étaient pas très différentes des Etats-Unis ! (rires) Et c’est ainsi que j’ai fini dans la
campagne finlandaise, ce qui était vraiment le total opposé de Manhattan… Je suis resté là environ deux ans, mais j’ai eu des problèmes avec la maison où j’habitais, notamment en raison de
l’eau qui était polluée… J’ai donc décidé de retourner en ville. Et même si je suis né et j’ai grandi à Helsinki, j’ai choisi d’aller à Turku, où j’ai trouvé l’appartement parfait où je vis
encore à ce jour. De toute manière, avec internet et tous les moyens de communication actuels, l’endroit où tu vis importe peu ; tu peux rester en contact avec les gens sans problème. Mais
pour en revenir à ta question, le fait de retourner en Finlande m’a redonné de la créativité. J’ai composé mon album solo ‘Peace of Mind’ durant mon premier hiver à la campagne, en 1996. Je
n’avais pas de télévision, j’avais juste un enregistreur quatre pistes… C’était donc une période très créative qui a débouché sur un bon album. Parce que même si personne ne l’écoute, c’est
un bon album ! (rires) J’aime aussi le suivant, ‘Life Gets You Dirty’ (1999)…
Sur ces deux albums, outre le chant, tu joues quasiment de tous les instruments, notamment l’immense majorité des parties des guitares… Pourtant, on ne te voit presque jamais sur
scène avec une guitare… Est-ce parce que tu veux te sentir libre ?
Oui, une guitare me restreint dans mes mouvements. Sur scène, je joue déjà du saxophone et de l’harmonica, voire parfois de la batterie…
Mais pourrais-tu imaginer jouer seul, uniquement accompagné d’une guitare acoustique ?
J’ai fait des concerts acoustiques. J’en ai fait avec mon groupe, mais j’en ai aussi déjà fait seul avec une guitare, en certaines occasions.
Je savais pour les concerts en groupe, mais j’ignorais que tu avais déjà joué réellement seul en acoustique. Du coup, ce n’était pas une si bonne question…
Non, c’est une bonne question. Parce qu’en effet, c’est quelque chose que je sais faire. Je peux donner un concert dans ces conditions. Mais ce n’est arrivé que dans certaines conditions
spéciales, quand les gens me le demandent expressément. Souvent, on me demande juste une chanson, pour un anniversaire ou une fête d’adieu et je suis heureux de rendre les gens heureux.
Mais est-ce que tu pourrais imaginer partir en tournée un jour tout seul avec ta guitare, comme le fait Mike Tramp actuellement ?
Il fait ça ? Totalement acoustique ?
Oui, tout seul avec sa guitare…
Oh… Je ne sais pas. J’aurais peur que ce soit ennuyant…
Précisément, c’était un peu pour ça que je posais la question, parce que je sais que tu aimes offrir un show au public…
Oui, c’est ça le problème : en acoustique tu ne peux pas vraiment en mettre plein la tronche au public, et c’est ce que je fais de mieux ! Donc c’est pour ça que je m’y cantonne.
Ok, merci infiniment pour ton temps, je sais que tu dois aller manger, donc…
Merci à toi. Mais si tu as quelques dernières questions, vas-y… (NDR : Michael Monroe est définitivement un gentleman !)
Alors je me permets de revenir sur la Finlande, pays où, d’après ce que je peux constater de mon point de vue extérieur, tu bénéficies carrément du statut de ‘trésor
national’…
Merci !
Quel est ton rapport à ce pays et, en particulier, au fameux club Tavastia de Helsinki ?
Le Tavastia est le club où tout a commencé pour Hanoi Rocks. C’est d’ailleurs pour cela qu’il était approprié que Hanoi Rocks finisse là-bas également (lors de cette fameuse série de huit
concerts en six jours en 2009, NDR). En ce qui concerne la Finlande, je ne sais pas trop… Nous l’avons quittée au début des années quatre-vingt parce qu’on ne pouvait pas y être soi-même : en
raison de la mentalité intolérante de l’époque, on se faisait bastonner à cause de notre look différent… Les choses ont évolué lorsque Hanoi Rocks a connu du succès : ça a forcé les gens à
s’ouvrir un peu. Mais en réalité, je crois que ma récente autobiographie a vraiment été cruciale dans le fait que les gens m’ont finalement accepté comme je suis. Parce qu’ils ont réalisé que
je ne veux pas être un mauvais exemple pour les jeunes. Bon, ce bouquin révèle aussi certains aspects de moi qui pourraient amener les gens à penser ‘Ouah, il est vraiment ravagé’… ou alors à
apprécier le fait que je suis honnête et totalement ouvert. Et c’est ce qui s’est passé : les gens ont vraiment aimé le livre et maintenant ils en savent plus sur moi et sur ce que j’ai
traversé. Tu sais, les gens pensaient que je vivais dans le luxe à Hollywood, avec limousine et tout ça… Alors qu’en réalité je vivais en Finlande, au milieu des bois ! Tiens, à ce sujet,
voici une anecdote : j’avais été invité sur trois chansons durant un concert des Backyard Babies et durant celles-ci je m’étais cassé la cheville – la même cheville que je m’étais d’ailleurs
déjà cassée avec Hanoi Rocks. Or, ce soir-là après le concert, j’ai conduit une voiture sans permis et je me suis fait arrêter. Du coup je me suis retrouvé toute la nuit en prison avec ma
cheville cassée. Le lendemain, après avoir été interrogé, j’ai pu m’en aller, me rendre à l’hôpital pour constater que j’avais effectivement la cheville cassée et enfin rentrer chez moi avec
des béquilles. Or, c’est là que les égouts étaient bouchés et que ça a commencé à refluer dans la cuisine. J’ai donc dû appeler ma personne préférée, le ‘shit sucker’, avec son tracteur et sa
citerne, pour vider les égouts… Mais c’était l’hiver et il y avait environ 1,80 mètre de neige. Et avant qu’il puisse accéder aux égouts, il fallait dégager tout ça. Du coup, je me suis
retrouvé à neuf heures du matin à peller la neige sur un pied pendant trois heures pour qu’on vienne vider mes égouts… Voilà, c’était ça ma vie, et en racontant ça, les gens réalisent bien à
quel point je ne vis pas dans le luxe mais bien dans la réalité ! (rires) J’ajoute encore que tout ça se passait dans le froid et la nuit, puisque cet hiver-là je n’ai vu le soleil que trois
petites fois passer à l’horizon… Je me souviens d’ailleurs en avoir parlé avec Jon Bon Jovi à l’époque – c’était en 1997 ou 1998 –, quand nous nous sommes croisés au Japon. Il me disait qu’il
pourrait éventuellement supporter le froid, mais par contre qu’il ne pouvait pas s’imaginer une seconde vivre dans l’obscurité pendant plusieurs mois, de surcroît complètement isolé… Car
c’était ça : je vivais littéralement au milieu de nulle part ! Ceci dit, pour être juste, il faut préciser que l’été pouvait y être absolument magnifique, à tel point que l’idée de partir en
vacances loin de là me semblait être une perte de temps. Mais bon, toute cette histoire de cheville cassée, de nuit en prison et d’égouts bouchés pour dire que la réalité ne correspond pas
forcément à l’étiquette ‘Glam Rock’ dont on m’affuble souvent. D’ailleurs, qu’y a-t-il de si glamour dans notre style de vie ? On joue dans des clubs pourris où il n’y a pas de salle de bain,
et s’il y en a une, tu peux être certain qu’il n’y aura pas de savon ou de linges… C’est une vie un peu crasseuse, en réalité. Mais peu importe. Dans le rock ‘n’ roll, si tu restes fidèle à
toi-même et authentique, tu es récompensé : tu répands des bonnes ondes autour de toi et tu touches les gens. Et c’est ce qui est important pour moi. Si tu as beaucoup de succès, c’est
formidable. Mais ce n’est qu’un bonus. En premier, tu dois avoir fait les choses à ta façon, avec intégrité.
Photos : Gilles Simon
FICHE CD
Nom de l’album : « Horns and Halos »
Label : Spinefarm / Universal
www.michaelmonroe.com